Uni par sa diversité : Le Liban, est-il une aberration ou plutôt une construction historique unique en son genre ?
Tout au long de son histoire, le Liban a été marqué par des guerres civiles à répétition et par l’influence des luttes indirectes auxquelles se sont livrées les puissances régionales et mondiales.
Certaines même n’ont pas hésité à mettre en danger leur propre survie pour conquérir ce territoire. Nous en citons en l’occurrence les Assyriens, les Babyloniens, les Macédoniens sous la direction d'Alexandre le Grand, les croisés catholiques, les Mamelouks originaires du Caucase et d'Asie centrale, les Ottomans, les Français, et plus récemment les Syriens, les Iraniens et les Israéliens.
Ainsi, depuis l'époque des Phéniciens jusqu'à la création de l’État moderne du Liban en 1943, le pays a accueilli plusieurs civilisations et a servi de tremplin à partir duquel un riche patrimoine culturel, politique et religieux a pu rayonner dans son environnement.
De ces années d’Histoire complexe et mouvementée, le Liban a retenu une diversité ethnique et religieuse qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde.
Comprendre l'histoire du Liban permet une meilleure assimilation de son schéma de diversité confessionnelle.
Le Liban est l'un des rares pays qui abrite actuellement une hétérogénéité religieuse et sectaire. Dix-huit communautés religieuses, protégées par une constitution qui se veut robuste et en même temps élastique, y cohabitent, chacune cherchant à exister à travers un territoire exigu qu’il cherche à s’approprier. Ainsi, traditionnellement, le sud du Liban a été identifié avec les chiites, Tripoli avec les sunnites, le Chouf avec les Druzes et le Kesrouan avec les Maronites. Alors qu’en réalité, pour la plupart, ces régions sont généralement hybrides, avec sans doute une communauté qui a plus de présence qu’une autre, le Liban n’étant en aucun cas un pays sectaire.
La diversité ethnique du Liban datant de différentes périodes d’immigration et d'invasions est représentée, par la présence au Liban de peuples venant de presque tous les pays du Moyen-Orient.
Alors que d’aucuns affirment avec prestance que leurs premiers ancêtres étaient les Phéniciens, d’autres, tel les orthodoxes et les catholiques se considèrent les héritiers du monde hellénique fondé par Alexandre le Grand. Les Turcs quant à eux se voient comme une continuation de l'Empire ottoman, alors que les Druzes croient qu'ils sont les derniers représentants d'une croyance et culture universelle de notre temps. Les sunnites libanais, les chiites, les alaouites et les Ismaélites ont quant à eu une compréhension différente, et à certains égards opposée de l'histoire du pays.
C'est pourquoi il est difficile de définir simplement le Liban comme un pays où différentes sectes du christianisme et de l'islam vivent ensemble. En d'autres termes, il est assez difficile de comprendre quel est le problème libanais sans avoir vécu avec les druzes au Chouf, sans avoir vu comment les chiites et les chrétiens pensent et vivent à Tyr, sans avoir parlé aux Arméniens de Bourj Hammoud, et sans avoir observé les maronites du Kesrouan, ou les orthodoxes et catholiques de Beyrouth
Si l’on prend uniquement Beyrouth comme exemple, la plupart des familles beyrouthines qui ont contribué des premiers ministres et de grands dirigeants politiques et ecclésiastiques, qui ont marqué l’Histoire, elles sont pour la plupart originaires d’ailleurs. Moins du Liban et encore moins de Beyrouth.
Les familles comme les Hariri, Siniora, et Solh sont de Saida et du sud du Liban, les familles Itani, Hoss, Biham et Idriss sont du Maroc, les Chatila de Wadi Taym, les Tueini et Pharaon de Houran (Syrie), le Majdalani de Rachaya, les Sehnawy et le Kassatly de Damas, et les Bustros et Sursock de Chypre.
A cette liste non-exhaustive on peut ajouter, quelques-unes des familles chrétiennes arrivées d’Alep comme les Tutunji, Obéji et Kneider qui se sont imposées comme la bourgeoisie citadine.
Il est à noter toutefois, qu’au Liban, nous avons parfois tendance à confondre fondement religieux et différenciation ethnique.
Alors que les Libanais sont des Arabes, ils sont divisés grosso modo en musulmans et chrétiens. À son tour chaque groupe est subdivisé en un certain nombre de sectes, la plupart d'entre eux formés par le développement historique en groupes ethniques distincts. Les musulmans sont divisés entre sunnites et chiites. Les Druzes, dont la religion découle de l'Islam, sont quant à eux une minorité significative.
Les chrétiens sont divisés principalement entre maronites, grecs orthodoxes et grecs catholiques. Tous les grands groupes ont leurs propres organisations politiques, des unités paramilitaires, et des forteresses territoriales. D'autres groupes ethniques comprennent des Arméniens (la plupart orthodoxe arménien, avec quelques catholiques) et un petit nombre de Juifs, de Syriens catholiques et orthodoxes, de protestants, de syriaques, de chaldéens, et bien d’autres groupuscules qui nous échappent et qui néanmoins contribuent à la richesse du tissu libanais.
De plus, le nombre de Kurdes et de Palestiniens au Liban est estimé à un chiffre qui dépasse le demi-million ; les quelque deux cent mille apatrides et personnes sans papiers, auxquels viennent se greffer les réfugiés syriens qui fuient une guerre intestine à longue haleine, et dont peu se soucient, et qui pour la plupart occupent des zones frontalières poreuses et fluides.
L’institutionnalisation de cette diversité, qui pose problème aujourd’hui, date uniquement de l`époque coloniale. Avant cela, chrétiens et musulmans vivaient en harmonie, sous un system féodal qui donnait la primauté aux Druzes des montagnes et aux Sunnites et Orthodoxes des grandes villes comme Beyrouth, Tripoli et Sidon.
Contrairement aux programmes de diversité dans les pays occidentaux qui tentent d'éliminer la discrimination, la diversité religieuse au Liban a été créée comme un outil de contrôle de puissance par la colonisation française. Après la Première Guerre mondiale, le Liban, qui avait fait partie de l'Empire ottoman, a été placé sous mandat Français. Il a obtenu sa vraie et première indépendance – avec le territoire que l’on connait aujourd’hui - en 1943.
La distribution du pouvoir dans le pays, qui se voulait « équitable », a été faite sur une base confessionnelle selon laquelle le Président de la république serait un maronite (chrétien), le Président de la Chambre des députés un chiite (musulman), et le Premier ministre un sunnite (musulman). En outre, le nombre de députés, et les attributions au sein des administrations publiques, judiciaires et militaires ont fait l’objet d’une répartition savante entre les divers groupes confessionnels.
Grâce à ce système, les Français ont contrôlé la bonne marche des affaires en octroyant les postes clés aux chrétiens et en créant une sorte d’équilibre de pouvoir entre les trois grandes communautés ; maronites, chiite et sunnites. Les français ont par ailleurs partagé le pouvoir institutionnel entre les différents groupes religieux plutôt que de construire une nation laïque puissante : « Diviser pour mieux régner ».
De surcroît, les français ont condamnés les chrétiens à jouer le rôle d’arbitres entre deux communautés, la sunnite et la chiite, qui congénitalement et historiquement, sont condamnées à ne pas s’entendre. Le système a été conçu de façon à ce qu’une union sunnites et chiites ne suffise pas à elle seule pour gouverner. Ainsi, pour obtenir une majorité au Liban il faudrait que soit les sunnites s’unissent aux chrétiens, soient que les chiites s’unissent aux chrétiens.
En 1975, l’absence d’une politique visant à promouvoir l'égalité entre les Libanais, a fini par stigmatiser la population et à accentuer les disparités et les inégalités entre les différentes confessions, ce qui conduit à une guerre civile de plus de 15 ans, dont on souffre encore des séquelles. En 1989, les membres des diverses communautés au pouvoir ont conclu un accord dit de « Taef » qui avait pour but de revoir et de redessiner les contours d’une répartition des tâches au sein de l’exécutif et du législatif. Cet accord a eu pour effet de soi-disant mettre un terme à la guerre civile. Il a toutefois eu pour effet pervers d’institutionnaliser et de confirmer l’enracinement et les divisions confessionnelles au sein du pays. Cela explique peut-être pourquoi certains cherchent à le réviser encore.
Aujourd'hui, le recrutement dans les institutions publiques est régulé par des quotas basés sur des appartenances confessionnels. Certaines communautés ont leurs propres écoles et universités, d’autres ont fondé des clubs de loisir ou de sport sur cette base.
Cette diversité ethnique, linguistique, religieuse et confessionnelle a résisté à travers les âges à toutes les tempêtes. Il est temps de fermer la parenthèse du mandat français et des troubles du siècle dernier pour repenser un nouveau Liban, dont les fondements de base sont le multiculturalisme, la multiethnicité, et le multi-confessionnalisme.
Seule l’unité garantira notre survie pour des décennies à venir !
E.C
Certaines même n’ont pas hésité à mettre en danger leur propre survie pour conquérir ce territoire. Nous en citons en l’occurrence les Assyriens, les Babyloniens, les Macédoniens sous la direction d'Alexandre le Grand, les croisés catholiques, les Mamelouks originaires du Caucase et d'Asie centrale, les Ottomans, les Français, et plus récemment les Syriens, les Iraniens et les Israéliens.
Ainsi, depuis l'époque des Phéniciens jusqu'à la création de l’État moderne du Liban en 1943, le pays a accueilli plusieurs civilisations et a servi de tremplin à partir duquel un riche patrimoine culturel, politique et religieux a pu rayonner dans son environnement.
De ces années d’Histoire complexe et mouvementée, le Liban a retenu une diversité ethnique et religieuse qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde.
Comprendre l'histoire du Liban permet une meilleure assimilation de son schéma de diversité confessionnelle.
Le Liban est l'un des rares pays qui abrite actuellement une hétérogénéité religieuse et sectaire. Dix-huit communautés religieuses, protégées par une constitution qui se veut robuste et en même temps élastique, y cohabitent, chacune cherchant à exister à travers un territoire exigu qu’il cherche à s’approprier. Ainsi, traditionnellement, le sud du Liban a été identifié avec les chiites, Tripoli avec les sunnites, le Chouf avec les Druzes et le Kesrouan avec les Maronites. Alors qu’en réalité, pour la plupart, ces régions sont généralement hybrides, avec sans doute une communauté qui a plus de présence qu’une autre, le Liban n’étant en aucun cas un pays sectaire.
La diversité ethnique du Liban datant de différentes périodes d’immigration et d'invasions est représentée, par la présence au Liban de peuples venant de presque tous les pays du Moyen-Orient.
Alors que d’aucuns affirment avec prestance que leurs premiers ancêtres étaient les Phéniciens, d’autres, tel les orthodoxes et les catholiques se considèrent les héritiers du monde hellénique fondé par Alexandre le Grand. Les Turcs quant à eux se voient comme une continuation de l'Empire ottoman, alors que les Druzes croient qu'ils sont les derniers représentants d'une croyance et culture universelle de notre temps. Les sunnites libanais, les chiites, les alaouites et les Ismaélites ont quant à eu une compréhension différente, et à certains égards opposée de l'histoire du pays.
C'est pourquoi il est difficile de définir simplement le Liban comme un pays où différentes sectes du christianisme et de l'islam vivent ensemble. En d'autres termes, il est assez difficile de comprendre quel est le problème libanais sans avoir vécu avec les druzes au Chouf, sans avoir vu comment les chiites et les chrétiens pensent et vivent à Tyr, sans avoir parlé aux Arméniens de Bourj Hammoud, et sans avoir observé les maronites du Kesrouan, ou les orthodoxes et catholiques de Beyrouth
Si l’on prend uniquement Beyrouth comme exemple, la plupart des familles beyrouthines qui ont contribué des premiers ministres et de grands dirigeants politiques et ecclésiastiques, qui ont marqué l’Histoire, elles sont pour la plupart originaires d’ailleurs. Moins du Liban et encore moins de Beyrouth.
Les familles comme les Hariri, Siniora, et Solh sont de Saida et du sud du Liban, les familles Itani, Hoss, Biham et Idriss sont du Maroc, les Chatila de Wadi Taym, les Tueini et Pharaon de Houran (Syrie), le Majdalani de Rachaya, les Sehnawy et le Kassatly de Damas, et les Bustros et Sursock de Chypre.
A cette liste non-exhaustive on peut ajouter, quelques-unes des familles chrétiennes arrivées d’Alep comme les Tutunji, Obéji et Kneider qui se sont imposées comme la bourgeoisie citadine.
Il est à noter toutefois, qu’au Liban, nous avons parfois tendance à confondre fondement religieux et différenciation ethnique.
Alors que les Libanais sont des Arabes, ils sont divisés grosso modo en musulmans et chrétiens. À son tour chaque groupe est subdivisé en un certain nombre de sectes, la plupart d'entre eux formés par le développement historique en groupes ethniques distincts. Les musulmans sont divisés entre sunnites et chiites. Les Druzes, dont la religion découle de l'Islam, sont quant à eux une minorité significative.
Les chrétiens sont divisés principalement entre maronites, grecs orthodoxes et grecs catholiques. Tous les grands groupes ont leurs propres organisations politiques, des unités paramilitaires, et des forteresses territoriales. D'autres groupes ethniques comprennent des Arméniens (la plupart orthodoxe arménien, avec quelques catholiques) et un petit nombre de Juifs, de Syriens catholiques et orthodoxes, de protestants, de syriaques, de chaldéens, et bien d’autres groupuscules qui nous échappent et qui néanmoins contribuent à la richesse du tissu libanais.
De plus, le nombre de Kurdes et de Palestiniens au Liban est estimé à un chiffre qui dépasse le demi-million ; les quelque deux cent mille apatrides et personnes sans papiers, auxquels viennent se greffer les réfugiés syriens qui fuient une guerre intestine à longue haleine, et dont peu se soucient, et qui pour la plupart occupent des zones frontalières poreuses et fluides.
L’institutionnalisation de cette diversité, qui pose problème aujourd’hui, date uniquement de l`époque coloniale. Avant cela, chrétiens et musulmans vivaient en harmonie, sous un system féodal qui donnait la primauté aux Druzes des montagnes et aux Sunnites et Orthodoxes des grandes villes comme Beyrouth, Tripoli et Sidon.
Contrairement aux programmes de diversité dans les pays occidentaux qui tentent d'éliminer la discrimination, la diversité religieuse au Liban a été créée comme un outil de contrôle de puissance par la colonisation française. Après la Première Guerre mondiale, le Liban, qui avait fait partie de l'Empire ottoman, a été placé sous mandat Français. Il a obtenu sa vraie et première indépendance – avec le territoire que l’on connait aujourd’hui - en 1943.
La distribution du pouvoir dans le pays, qui se voulait « équitable », a été faite sur une base confessionnelle selon laquelle le Président de la république serait un maronite (chrétien), le Président de la Chambre des députés un chiite (musulman), et le Premier ministre un sunnite (musulman). En outre, le nombre de députés, et les attributions au sein des administrations publiques, judiciaires et militaires ont fait l’objet d’une répartition savante entre les divers groupes confessionnels.
Grâce à ce système, les Français ont contrôlé la bonne marche des affaires en octroyant les postes clés aux chrétiens et en créant une sorte d’équilibre de pouvoir entre les trois grandes communautés ; maronites, chiite et sunnites. Les français ont par ailleurs partagé le pouvoir institutionnel entre les différents groupes religieux plutôt que de construire une nation laïque puissante : « Diviser pour mieux régner ».
De surcroît, les français ont condamnés les chrétiens à jouer le rôle d’arbitres entre deux communautés, la sunnite et la chiite, qui congénitalement et historiquement, sont condamnées à ne pas s’entendre. Le système a été conçu de façon à ce qu’une union sunnites et chiites ne suffise pas à elle seule pour gouverner. Ainsi, pour obtenir une majorité au Liban il faudrait que soit les sunnites s’unissent aux chrétiens, soient que les chiites s’unissent aux chrétiens.
En 1975, l’absence d’une politique visant à promouvoir l'égalité entre les Libanais, a fini par stigmatiser la population et à accentuer les disparités et les inégalités entre les différentes confessions, ce qui conduit à une guerre civile de plus de 15 ans, dont on souffre encore des séquelles. En 1989, les membres des diverses communautés au pouvoir ont conclu un accord dit de « Taef » qui avait pour but de revoir et de redessiner les contours d’une répartition des tâches au sein de l’exécutif et du législatif. Cet accord a eu pour effet de soi-disant mettre un terme à la guerre civile. Il a toutefois eu pour effet pervers d’institutionnaliser et de confirmer l’enracinement et les divisions confessionnelles au sein du pays. Cela explique peut-être pourquoi certains cherchent à le réviser encore.
Aujourd'hui, le recrutement dans les institutions publiques est régulé par des quotas basés sur des appartenances confessionnels. Certaines communautés ont leurs propres écoles et universités, d’autres ont fondé des clubs de loisir ou de sport sur cette base.
Cette diversité ethnique, linguistique, religieuse et confessionnelle a résisté à travers les âges à toutes les tempêtes. Il est temps de fermer la parenthèse du mandat français et des troubles du siècle dernier pour repenser un nouveau Liban, dont les fondements de base sont le multiculturalisme, la multiethnicité, et le multi-confessionnalisme.
Seule l’unité garantira notre survie pour des décennies à venir !
E.C