Religion, politique et règle de droit : A quand une Charte des droits et libertés au Liban
Il y a quelques semaines, Nidal Darwiche et Khouloud Sukkarieh ont célébré leur première année de mariage. Ils s’étaient mariés civilement au Liban en usant de stratagèmes inédits et d’entourloupettes juridiques pour qu’enfin le ministère de l’intérieur accepte d’enregistrer ce mariage conclu devant une instance non-religieuse.
Il nous doit de les féliciter officiellement, et de saluer leur courage. Enfin, quelqu’un a donné un coup de pied dans la fourmilière!
L’article 9 de la constitution libanaise consacre l’appartenance religieuse et sectaire des citoyens. Il prévoit que « La liberté de conscience est absolue. En rendant hommage au Très Haut, l'État respecte toutes les confessions et en garantit et protège le libre exercice à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l'ordre public. Il garantit également aux populations, à quelque rite qu'elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. »
Ainsi, à part les questions d’héritage et d’adoption chez les chrétiens – qui sont régies en vertu de lois civiles, toutes les autres questions de statut personnel – tel le mariage, le divorce, etc… sont régies par des lois religieuses, dont il existe 15 officiellement reconnues par l'État. Chaque secte religieuse suit un ensemble distinct de lois personnelles (plusieurs des 18 sectes du pays relèvent d'une même juridiction).
Ce découpage sectaire religieux a sans doute influencé la construction du régime politique que nous subissions aujourd’hui et qui a montré ses limites au courant des dernières décennies.
Notre appartenance religieuse et sectaire remonte du temps de l’empire Ottoman, et de la colonisation qui a suivi.
Le système du millet ottoman avait donné l'autorité sur le droit de la famille à quatre groupes religieux reconnus: les Juifs, les Arméniens, les orthodoxes et les musulmans sunnites majoritaires. Vers le milieu des années 1800, le sectarisme - défini par l'historien Oussama Makdisi comme «le déploiement du patrimoine religieux comme marqueur principal de l'identité politique » - s'est infiltrée dans la conscience politique, malgré les innombrables réformes Ottomanes du 19ème siècle nommée Tanzimat qui avaient déclaré que tous les citoyens étaient égaux devant la loi, sans distinction de leur culte religieux.
Afin de pouvoir prendre pied dans le Levant, au début du 20ième siècle, les puissances européennes ont courtisé les communautés religieuses délaissées par les Ottomans et ont contraint ces derniers à augmenter leur nombre de sectes reconnues au Liban à 17. Ils ont opté pour le principe de diviser pour mieux régner.
Certains Libanais, appartenant à une communauté donnée, autrefois ignorée ou délaissée par les Ottomans, ont trouvé dans ce découpage ultra-sectaire un moyen d’améliorer leur sort et de sortir des conditions paysannes misérables dans lesquelles ils se trouvaient. Ainsi, ils pouvaient quitter leurs campagnes et investir les villes, accéder à des postes administratifs de grand prestige et participer pleinement aux institutions politiques, militaires universitaires et financières.
Par conséquent, pour exister, et pour pouvoir jouir pleinement de ses droits civiques et économiques, un libanais devait appartenir à une communauté religieuse quelconque, en faisant fi de ses croyances personnelles.
Un tel régime a vécu. Il était peut-être justifié à la fin du 19ème / début 20ème siècle, mais il ne répond plus aux données du monde moderne dans lequel nous nous acheminons.
Respecter la religion et mandater la religion, sont deux choses très différentes.
La France dans l’article 1 de sa Constitution accorde « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion » de plus en ce qui concerne la liberté religieuse, elle est évoquée dans l'article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » ; mais ce n’est pas pour autant que le peuple français se trouve régi par l’obligation d’adhérer à une religion quelconque et donc de s’assujettir à des lois religieuses révolues.
De par son histoire moderne et de par la nomadisation de son peuple, le Liban est devenu un pays multiculturel, où les mariages mixtes et métissés, ont changé le tissu même de la société.
En conséquence, nous appelons à revoir nos fondements politiques. Il nous incombe de voir au-delà du découpage religieux pour garantir les droits fondamentaux de nos citoyens.
Pour jouir pleinement de son rôle au sein des Nations civilisées, le Liban se doit d’adopter une Charte des libertés qui garantisse l’égalité de tous devant la loi, et qui protège les droits des minorités, y compris les non-croyants, ainsi que les droits des faibles et des déshérités.
En attendant … commençons par éliminer la case « confession » (mathhab en arabe) dans les documents officiels.
E.C
Il y a quelques semaines, Nidal Darwiche et Khouloud Sukkarieh ont célébré leur première année de mariage. Ils s’étaient mariés civilement au Liban en usant de stratagèmes inédits et d’entourloupettes juridiques pour qu’enfin le ministère de l’intérieur accepte d’enregistrer ce mariage conclu devant une instance non-religieuse.
Il nous doit de les féliciter officiellement, et de saluer leur courage. Enfin, quelqu’un a donné un coup de pied dans la fourmilière!
L’article 9 de la constitution libanaise consacre l’appartenance religieuse et sectaire des citoyens. Il prévoit que « La liberté de conscience est absolue. En rendant hommage au Très Haut, l'État respecte toutes les confessions et en garantit et protège le libre exercice à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l'ordre public. Il garantit également aux populations, à quelque rite qu'elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. »
Ainsi, à part les questions d’héritage et d’adoption chez les chrétiens – qui sont régies en vertu de lois civiles, toutes les autres questions de statut personnel – tel le mariage, le divorce, etc… sont régies par des lois religieuses, dont il existe 15 officiellement reconnues par l'État. Chaque secte religieuse suit un ensemble distinct de lois personnelles (plusieurs des 18 sectes du pays relèvent d'une même juridiction).
Ce découpage sectaire religieux a sans doute influencé la construction du régime politique que nous subissions aujourd’hui et qui a montré ses limites au courant des dernières décennies.
Notre appartenance religieuse et sectaire remonte du temps de l’empire Ottoman, et de la colonisation qui a suivi.
Le système du millet ottoman avait donné l'autorité sur le droit de la famille à quatre groupes religieux reconnus: les Juifs, les Arméniens, les orthodoxes et les musulmans sunnites majoritaires. Vers le milieu des années 1800, le sectarisme - défini par l'historien Oussama Makdisi comme «le déploiement du patrimoine religieux comme marqueur principal de l'identité politique » - s'est infiltrée dans la conscience politique, malgré les innombrables réformes Ottomanes du 19ème siècle nommée Tanzimat qui avaient déclaré que tous les citoyens étaient égaux devant la loi, sans distinction de leur culte religieux.
Afin de pouvoir prendre pied dans le Levant, au début du 20ième siècle, les puissances européennes ont courtisé les communautés religieuses délaissées par les Ottomans et ont contraint ces derniers à augmenter leur nombre de sectes reconnues au Liban à 17. Ils ont opté pour le principe de diviser pour mieux régner.
Certains Libanais, appartenant à une communauté donnée, autrefois ignorée ou délaissée par les Ottomans, ont trouvé dans ce découpage ultra-sectaire un moyen d’améliorer leur sort et de sortir des conditions paysannes misérables dans lesquelles ils se trouvaient. Ainsi, ils pouvaient quitter leurs campagnes et investir les villes, accéder à des postes administratifs de grand prestige et participer pleinement aux institutions politiques, militaires universitaires et financières.
Par conséquent, pour exister, et pour pouvoir jouir pleinement de ses droits civiques et économiques, un libanais devait appartenir à une communauté religieuse quelconque, en faisant fi de ses croyances personnelles.
Un tel régime a vécu. Il était peut-être justifié à la fin du 19ème / début 20ème siècle, mais il ne répond plus aux données du monde moderne dans lequel nous nous acheminons.
Respecter la religion et mandater la religion, sont deux choses très différentes.
La France dans l’article 1 de sa Constitution accorde « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion » de plus en ce qui concerne la liberté religieuse, elle est évoquée dans l'article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » ; mais ce n’est pas pour autant que le peuple français se trouve régi par l’obligation d’adhérer à une religion quelconque et donc de s’assujettir à des lois religieuses révolues.
De par son histoire moderne et de par la nomadisation de son peuple, le Liban est devenu un pays multiculturel, où les mariages mixtes et métissés, ont changé le tissu même de la société.
En conséquence, nous appelons à revoir nos fondements politiques. Il nous incombe de voir au-delà du découpage religieux pour garantir les droits fondamentaux de nos citoyens.
Pour jouir pleinement de son rôle au sein des Nations civilisées, le Liban se doit d’adopter une Charte des libertés qui garantisse l’égalité de tous devant la loi, et qui protège les droits des minorités, y compris les non-croyants, ainsi que les droits des faibles et des déshérités.
En attendant … commençons par éliminer la case « confession » (mathhab en arabe) dans les documents officiels.
E.C