Peut-on guérir du confessionnalisme?
Dans un pays comme le Liban, que d’aucuns qualifient d’aberration confessionnelle, où le sectarisme fait partie intégrante de son ADN, la notion de laïcité semble causer des allergies chaque fois qu’elle est évoquée en public ou en privé.
Qu’est-ce que la laïcité ?
Serait-elle le démantèlement du système socio-politique actuel qui divise arbitrairement le pouvoir entre différentes communautés religieuses ?
Ou bien la séparation de la religion des questions de statut personnel (ex. le mariage et l'héritage) ?
Ou encore, l’interdiction de l’intrusion des instances religieuses - prêtres et muftis, évêques et mollahs - dans le domaine de la politique ?
Ou tout simplement, la stricte séparation de la sphère religieuse et de la sphère politique et civile (séparation de l’Église et de l’État)?
Nous n’avons pas de réponse toute faite à cette question. Toutefois, dans le contexte actuel du pays ; il nous semble que la notion de laïcité soit plus compatible avec celle d’égalité, de justice et de méritocratie que sont les fondements même d’un système démocrate.
Bien que les systèmes politiques et juridiques mis en place au lendemain de l’indépendance soient représentatifs de la diversité culturelle et religieuse qui sévit, non seulement au Liban, mais aussi à travers le Levant, il n’en demeure pas moins que notre pays souffre depuis sa création d’une situation quasi-permanente d’instabilité socio-politique, qui ne fait que s’aggraver de jour en jour.
Comment produire, s’enrichir, se développer et évoluer si le pays se trouve constamment en crise ?
Comment se légitimer vis-à-vis sa propre population et vis-à-vis le monde extérieur, quand on est constamment en train de remodeler la loi électorale, ou de reporter les échéances législatives ou présidentielles au gré de celui-ci ou de celui-là sous prétexte de droits acquis ou droits ancestraux et préhistoriques ?
Depuis l'indépendance du Liban en 1943, le président de la République a toujours été un chrétien maronite, son président du Parlement un musulman chiite et son premier ministre un musulman sunnite. Au sein du Parlement, les sièges sont répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans, et les fonctions publiques sont allouées selon des critères sectaires très savants.
Pourquoi en est- il ainsi ? Les maronites seraient-ils le peuple élu de Dieu et de ce fait prédestinés à veiller seuls au destin du Liban ; les chiites seraient-ils des médiateurs hors pair et plus qualifiés que d’autres à présider des parlements ; et les sunnites seraient-ils génétiquement plus aptes que d’autres à former des gouvernements?
Est-ce écrit dans le ciel qu’un pays qui abrite 18 confessions, soit soumis au diktat de trois d’entre elles, à l’exclusion des autres ? Est-ce une loi divine ? Une norme constitutionnelle ? Peut-être une nouvelle forme de démocratie-clanique ?
Ce système, qui a été autrefois salué comme un symbole de démocratie consensuelle et de coexistence religieuse, a depuis longtemps démontré ses faiblesses, et ce à plusieurs niveaux. À tout le moins, il a engendré le clientélisme, l’instabilité chronique des institutions, l’inégalité flagrante au niveau du suffrage, la paralysie fréquente du pouvoir décisionnel, le manque de sécurité et de transparence, la faiblesse du gouvernement central et son incapacité de fournir des services de base.
Plusieurs sondages ont montré qu'il existe au Liban un soutien public important pour l'abolition du système confessionnel, toutefois, il appert que même ces sondages sont tributaires de critères sectaires. Ainsi, il est avéré que la plupart des « pro-laïcités » soient de confession musulmane.
Certains interprètent ces sondages à travers leur propre prisme : « Il est normal que les musulmans soient favorables à la laïcité, puisqu’ils ont tout à gagner. Et par conséquent, les chrétiens sont contre puisqu’ils ont tout à perdre, » ou encore : « effectuer des changements radicaux dans le pays sans le soutien d'une majorité de la communauté chrétienne pourrait avoir de graves répercussions. »
Plus surprenant encore : de tous les participants interrogés lors de ces sondages, près d'un quart ont dit qu'ils ne savaient même pas ce que « abolir le confessionnalisme » voulait dire.
Cela dit, une chose est claire : si la population libanaise ne souffre pas des velléités du confessionnalisme, elle souffre néanmoins d’endoctrinement et d’amnésie généralisée.
Pour nous sortir de ce marasme et entrer de pleins pieds dans le vingt et unième Siècle, nous proposons de faire adopter une Charte de Laïcité inspirée de la loi de 1905 en France, où le religieux est dissocié du social et confiné au domaine privé. Cette Charte serait alors accompagnée d’un mécanisme d’application et d’une force de dissuasion appropriée.
Il va de soi, que la réussite d’une telle Charte passe bien entendu par l’école et par l’évolution des états d’esprit et des programmes scolaires, ainsi que le changement d’attitude envers l’espace privé et l’espace public.
Il revient donc à la nouvelle génération qui tient à la pérennité d’un Liban libre, indépendant et souverain de vivre la laïcité au vrai sens du terme et de faire sienne ses valeurs et ses fondements.
E.C
Dans un pays comme le Liban, que d’aucuns qualifient d’aberration confessionnelle, où le sectarisme fait partie intégrante de son ADN, la notion de laïcité semble causer des allergies chaque fois qu’elle est évoquée en public ou en privé.
Qu’est-ce que la laïcité ?
Serait-elle le démantèlement du système socio-politique actuel qui divise arbitrairement le pouvoir entre différentes communautés religieuses ?
Ou bien la séparation de la religion des questions de statut personnel (ex. le mariage et l'héritage) ?
Ou encore, l’interdiction de l’intrusion des instances religieuses - prêtres et muftis, évêques et mollahs - dans le domaine de la politique ?
Ou tout simplement, la stricte séparation de la sphère religieuse et de la sphère politique et civile (séparation de l’Église et de l’État)?
Nous n’avons pas de réponse toute faite à cette question. Toutefois, dans le contexte actuel du pays ; il nous semble que la notion de laïcité soit plus compatible avec celle d’égalité, de justice et de méritocratie que sont les fondements même d’un système démocrate.
Bien que les systèmes politiques et juridiques mis en place au lendemain de l’indépendance soient représentatifs de la diversité culturelle et religieuse qui sévit, non seulement au Liban, mais aussi à travers le Levant, il n’en demeure pas moins que notre pays souffre depuis sa création d’une situation quasi-permanente d’instabilité socio-politique, qui ne fait que s’aggraver de jour en jour.
Comment produire, s’enrichir, se développer et évoluer si le pays se trouve constamment en crise ?
Comment se légitimer vis-à-vis sa propre population et vis-à-vis le monde extérieur, quand on est constamment en train de remodeler la loi électorale, ou de reporter les échéances législatives ou présidentielles au gré de celui-ci ou de celui-là sous prétexte de droits acquis ou droits ancestraux et préhistoriques ?
Depuis l'indépendance du Liban en 1943, le président de la République a toujours été un chrétien maronite, son président du Parlement un musulman chiite et son premier ministre un musulman sunnite. Au sein du Parlement, les sièges sont répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans, et les fonctions publiques sont allouées selon des critères sectaires très savants.
Pourquoi en est- il ainsi ? Les maronites seraient-ils le peuple élu de Dieu et de ce fait prédestinés à veiller seuls au destin du Liban ; les chiites seraient-ils des médiateurs hors pair et plus qualifiés que d’autres à présider des parlements ; et les sunnites seraient-ils génétiquement plus aptes que d’autres à former des gouvernements?
Est-ce écrit dans le ciel qu’un pays qui abrite 18 confessions, soit soumis au diktat de trois d’entre elles, à l’exclusion des autres ? Est-ce une loi divine ? Une norme constitutionnelle ? Peut-être une nouvelle forme de démocratie-clanique ?
Ce système, qui a été autrefois salué comme un symbole de démocratie consensuelle et de coexistence religieuse, a depuis longtemps démontré ses faiblesses, et ce à plusieurs niveaux. À tout le moins, il a engendré le clientélisme, l’instabilité chronique des institutions, l’inégalité flagrante au niveau du suffrage, la paralysie fréquente du pouvoir décisionnel, le manque de sécurité et de transparence, la faiblesse du gouvernement central et son incapacité de fournir des services de base.
Plusieurs sondages ont montré qu'il existe au Liban un soutien public important pour l'abolition du système confessionnel, toutefois, il appert que même ces sondages sont tributaires de critères sectaires. Ainsi, il est avéré que la plupart des « pro-laïcités » soient de confession musulmane.
Certains interprètent ces sondages à travers leur propre prisme : « Il est normal que les musulmans soient favorables à la laïcité, puisqu’ils ont tout à gagner. Et par conséquent, les chrétiens sont contre puisqu’ils ont tout à perdre, » ou encore : « effectuer des changements radicaux dans le pays sans le soutien d'une majorité de la communauté chrétienne pourrait avoir de graves répercussions. »
Plus surprenant encore : de tous les participants interrogés lors de ces sondages, près d'un quart ont dit qu'ils ne savaient même pas ce que « abolir le confessionnalisme » voulait dire.
Cela dit, une chose est claire : si la population libanaise ne souffre pas des velléités du confessionnalisme, elle souffre néanmoins d’endoctrinement et d’amnésie généralisée.
Pour nous sortir de ce marasme et entrer de pleins pieds dans le vingt et unième Siècle, nous proposons de faire adopter une Charte de Laïcité inspirée de la loi de 1905 en France, où le religieux est dissocié du social et confiné au domaine privé. Cette Charte serait alors accompagnée d’un mécanisme d’application et d’une force de dissuasion appropriée.
Il va de soi, que la réussite d’une telle Charte passe bien entendu par l’école et par l’évolution des états d’esprit et des programmes scolaires, ainsi que le changement d’attitude envers l’espace privé et l’espace public.
Il revient donc à la nouvelle génération qui tient à la pérennité d’un Liban libre, indépendant et souverain de vivre la laïcité au vrai sens du terme et de faire sienne ses valeurs et ses fondements.
E.C