Les femmes de ménage au Liban : une faille dans la réputation du pays
L’hospitalité libanaise a de tout temps été reconnue comme une des meilleures au monde. Entrer dans une maison familiale au Liban est synonyme d’être mieux traité que le père de famille lui-même. Mais de plus en plus souvent ce ne sont plus les maitresses de maison qui pomponnent les hôtes ; ce sont les femmes de ménage.
Bien que la présence fréquente de femmes de ménages étrangères dans les familles de classes non seulement élevées mais aussi moyennes n’a rien de surprenant aujourd’hui, une grande polémique existe vis-à-vis du traitement qu’elles subissent. Si les libanais ont une réputation inégalée quant à l’accueil de leurs amis, il n’en est pas toujours de même pour l’accueil des femmes de ménages elles-mêmes. Toutefois, sans généralisation hâtive, rappelons que le problème que nous traitons existe dans la totalité du monde arabe et qu’il existe de nombreuses familles en bons termes avec leurs femmes de ménage.
Qui sont ces femmes que l’on aperçoit rôder entre les cuisines, les chambres et les salles de bains ? On estime qu’il y a entre 120 000 et 200 000 femmes de ménage au Liban. Leurs origines sont diverses, mais la majorité d’entre elles viennent du Sri Lanka (« Sri Lankaise » étant parfois employé comme terme pour faire référence à une femme de ménage en général au Liban). On retrouve ensuite les éthiopiennes, philippines, indonésiennes et autres nationalités de l’Asie de l’Est. Elles arrivent jeunes (entre 20 et 30 ans) afin de soutenir financièrement leurs familles restées dans leurs pays d’origine. La complexité à cerner la condition des femmes de ménage s’explique par leurs situations diverses au niveau de leur recrutement et de la régularité de leurs papiers. Nous nous intéresserons particulièrement à celles qui résident chez leurs employeurs.
En 2009, la sonnette d’alarme est tirée lorsque Human Rights Watch (une ONG internationale dédiée à la défense des droits humains) estime que chaque semaine au Liban, une femme de ménage se suicide. La même année, le gouvernement impose un contrat de travail de dix heures par jour, six jours sur sept, qui n’est que très rarement appliqué. En effet, presque aucune transparence n’est possible de la part des ménages à ce niveau-là, et ceci s’explique, encore une fois, par les diverses situations dans lesquelles se trouvent les « domestiques » au Liban.
Ainsi, les femmes de ménages ne résident pas toujours légalement dans le pays. C’est le cas par exemple lorsque leur pays d’origine pose une interdiction de recherche de travail à l’étranger (comme a fait l'Éthiopie fin octobre 2013). Ceci les pousse à travailler au noir et donc sans aucun contrat légal, offrant l’opportunité aux employeurs de ne pas les payer voire d’abuser d’elles physiquement ou sexuellement. Dans un deuxième cas, elles peuvent être recrutées par l’intermédiaire d’une agence frauduleuse qui propose un salaire et une condition de vie supérieurs à la réalité. Évidemment, l’agence intermédiaire peut aussi être honnête de son bord, la femme de ménage ne dépendant plus que de la bienveillance de son employeur.
Souvent, une fois chez leurs employeurs, ces femmes se font confisquer leurs passeports, les employeurs disant que c’est leur gage de sureté après avoir payé pour les frais de résidence, le billet d’avion, etc. Ceci n’étant pas forcément mauvais signe, c’est une marque d’absence de confiance entre les deux partis. Ce manque de confiance peut s’expliquer de diverses manières, le plus souvent par crainte de vol. Quant au contrat, il n’est pas forcement existant ni toujours clair. Mais pour une femme n’ayant pas d’autre choix que de travailler ainsi, faire demi-tour n’est plus envisageable.
La condition de vie de la femme de ménage dépend à ce stade de : la régularité de sa résidence (surtout si l’agence ne supervise pas la situation), le rapport de confiance avec l’employeur et l’intégrité de celui-ci (ne négligeons pas qu’il est possible que la femme de ménage commette des vols de sa part). Vivant dans la même maison que son employeur, le respect de ses droits dépend presque exclusivement de l’employeur qui n’est sous aucune surveillance et qui peut se permettre, comme il arrive trop souvent, de ne pas payer son employée, de la sous-payer, de la faire travailler plus qu’elle ne doit, de ne pas lui accorder de congés, de ne pas lui permettre de communiquer avec autrui, de commettre des abus physiques ou sexuels, etc. D’où le centre du problème traité.
Heureusement, il existe au Liban des organismes répondant à ces problèmes, et on en distingue notamment deux : Caritas et Kafa.
Kafa (en arabe, « assez »), organisation axée contre l’exploitation et la violence contre les femmes en général, œuvre aussi pour les femmes de ménage qui souffrent d’abus physiques.
Caritas, organisation caritative internationale catholique très présente au Liban, héberge aussi des femmes de ménage ayant fui leurs employeurs et tente au mieux de régulariser leurs papiers.
La réputation du Liban ne doit pas être tachée par la manière dont y sont traitées les femmes de ménage, souvent comparées à des esclaves. La loi sur le contrat et le temps de travail ne peut pas à elle seule régulariser la situation. Si une chose doit être mise en place, c’est une surveillance des conditions de vie de ces femmes par un organisme officiel et influent ainsi qu’un appel à tous les libanais de dénoncer la violence et la maltraitance autour d’eux. Plus ambitieusement, une meilleure protection des travailleurs étrangers est nécessaire non seulement à cette échelle mais aussi dans l’optique de l’ouverture du Liban au monde.
C.G
L’hospitalité libanaise a de tout temps été reconnue comme une des meilleures au monde. Entrer dans une maison familiale au Liban est synonyme d’être mieux traité que le père de famille lui-même. Mais de plus en plus souvent ce ne sont plus les maitresses de maison qui pomponnent les hôtes ; ce sont les femmes de ménage.
Bien que la présence fréquente de femmes de ménages étrangères dans les familles de classes non seulement élevées mais aussi moyennes n’a rien de surprenant aujourd’hui, une grande polémique existe vis-à-vis du traitement qu’elles subissent. Si les libanais ont une réputation inégalée quant à l’accueil de leurs amis, il n’en est pas toujours de même pour l’accueil des femmes de ménages elles-mêmes. Toutefois, sans généralisation hâtive, rappelons que le problème que nous traitons existe dans la totalité du monde arabe et qu’il existe de nombreuses familles en bons termes avec leurs femmes de ménage.
Qui sont ces femmes que l’on aperçoit rôder entre les cuisines, les chambres et les salles de bains ? On estime qu’il y a entre 120 000 et 200 000 femmes de ménage au Liban. Leurs origines sont diverses, mais la majorité d’entre elles viennent du Sri Lanka (« Sri Lankaise » étant parfois employé comme terme pour faire référence à une femme de ménage en général au Liban). On retrouve ensuite les éthiopiennes, philippines, indonésiennes et autres nationalités de l’Asie de l’Est. Elles arrivent jeunes (entre 20 et 30 ans) afin de soutenir financièrement leurs familles restées dans leurs pays d’origine. La complexité à cerner la condition des femmes de ménage s’explique par leurs situations diverses au niveau de leur recrutement et de la régularité de leurs papiers. Nous nous intéresserons particulièrement à celles qui résident chez leurs employeurs.
En 2009, la sonnette d’alarme est tirée lorsque Human Rights Watch (une ONG internationale dédiée à la défense des droits humains) estime que chaque semaine au Liban, une femme de ménage se suicide. La même année, le gouvernement impose un contrat de travail de dix heures par jour, six jours sur sept, qui n’est que très rarement appliqué. En effet, presque aucune transparence n’est possible de la part des ménages à ce niveau-là, et ceci s’explique, encore une fois, par les diverses situations dans lesquelles se trouvent les « domestiques » au Liban.
Ainsi, les femmes de ménages ne résident pas toujours légalement dans le pays. C’est le cas par exemple lorsque leur pays d’origine pose une interdiction de recherche de travail à l’étranger (comme a fait l'Éthiopie fin octobre 2013). Ceci les pousse à travailler au noir et donc sans aucun contrat légal, offrant l’opportunité aux employeurs de ne pas les payer voire d’abuser d’elles physiquement ou sexuellement. Dans un deuxième cas, elles peuvent être recrutées par l’intermédiaire d’une agence frauduleuse qui propose un salaire et une condition de vie supérieurs à la réalité. Évidemment, l’agence intermédiaire peut aussi être honnête de son bord, la femme de ménage ne dépendant plus que de la bienveillance de son employeur.
Souvent, une fois chez leurs employeurs, ces femmes se font confisquer leurs passeports, les employeurs disant que c’est leur gage de sureté après avoir payé pour les frais de résidence, le billet d’avion, etc. Ceci n’étant pas forcément mauvais signe, c’est une marque d’absence de confiance entre les deux partis. Ce manque de confiance peut s’expliquer de diverses manières, le plus souvent par crainte de vol. Quant au contrat, il n’est pas forcement existant ni toujours clair. Mais pour une femme n’ayant pas d’autre choix que de travailler ainsi, faire demi-tour n’est plus envisageable.
La condition de vie de la femme de ménage dépend à ce stade de : la régularité de sa résidence (surtout si l’agence ne supervise pas la situation), le rapport de confiance avec l’employeur et l’intégrité de celui-ci (ne négligeons pas qu’il est possible que la femme de ménage commette des vols de sa part). Vivant dans la même maison que son employeur, le respect de ses droits dépend presque exclusivement de l’employeur qui n’est sous aucune surveillance et qui peut se permettre, comme il arrive trop souvent, de ne pas payer son employée, de la sous-payer, de la faire travailler plus qu’elle ne doit, de ne pas lui accorder de congés, de ne pas lui permettre de communiquer avec autrui, de commettre des abus physiques ou sexuels, etc. D’où le centre du problème traité.
Heureusement, il existe au Liban des organismes répondant à ces problèmes, et on en distingue notamment deux : Caritas et Kafa.
Kafa (en arabe, « assez »), organisation axée contre l’exploitation et la violence contre les femmes en général, œuvre aussi pour les femmes de ménage qui souffrent d’abus physiques.
Caritas, organisation caritative internationale catholique très présente au Liban, héberge aussi des femmes de ménage ayant fui leurs employeurs et tente au mieux de régulariser leurs papiers.
La réputation du Liban ne doit pas être tachée par la manière dont y sont traitées les femmes de ménage, souvent comparées à des esclaves. La loi sur le contrat et le temps de travail ne peut pas à elle seule régulariser la situation. Si une chose doit être mise en place, c’est une surveillance des conditions de vie de ces femmes par un organisme officiel et influent ainsi qu’un appel à tous les libanais de dénoncer la violence et la maltraitance autour d’eux. Plus ambitieusement, une meilleure protection des travailleurs étrangers est nécessaire non seulement à cette échelle mais aussi dans l’optique de l’ouverture du Liban au monde.
C.G