La réconciliation entre druzes et chrétiens: enfin… - 09/01/2013
Le Mont-Liban, région rurale dans le centre du pays, est considérée comme le berceau de l'État libanais moderne.
Toutefois, la montagne a été le théâtre de conflits inter-communautaires très sanglants entre druzes et chrétiens de 1975 à 1990. Des déplacements massifs ont eu lieu pendant la guerre, ce qui a abouti à un «nettoyage confessionnel» dans de nombreuses régions du Mont-Liban. En quinze ans de guerre civile entre 600.000 et 800.000 personnes ont été déplacées à travers le Liban ; dont environ 200.000 de la montagne.
Alors que les milices cherchaient systématiquement à diviser le pays en zones confessionnelles, beaucoup de personnes ont été déplacées par la force pour des raisons confessionnelles ou politiques. Cela s'est produit à une échelle massive et, dans certains cas, a été précédé de massacres, comme en 1976 à Damour, un village chrétien du Chouf.
Les invasions militaires israéliennes en mars 1978 et juin 1982 ont provoqué l'exode de centaines de milliers de personnes du Sud-Liban vers Beyrouth et ses banlieues. En Septembre 1983, le retrait de l'armée israélienne a déclenché la «guerre de la Montagne» avec le début d’une série de combats meurtriers ente les partisans du Parti Socialiste Progressiste (PSP) à majorité druze et les Forces libanaises chrétiennes. Cela a conduit à des massacres, où bourreaux et victimes étaient le plus souvent originaires du même village. La violence et la sauvagerie de la guerre atteignirent leur paroxysme lorsqu’en l’espace de quelques jour des dizaines de personnes ont péri :* le 31 août à Bmariam, on dénombre 34 chrétiens tués; le 5 septembre à Kfarmatta, 107 druzes ; le 6 septembre à Bhamdoun, 334 chrétiens ; le 6 septembre dans le Chahhâr, plus de 20 druzes; le 9 septembre à Ma‘âsir al-Chouf, 64 chrétiens. Bien d’autres ont péri à Salîma, Arsoun (Baabda), Ma‘âsir Beiteddine, Ma‘âsir al-Chouf, et Dayr Dûrît, … (liste non exhaustive).
Des maisons appartenant à des chrétiens et à des druzes ont été détruites, brûlées ou pillées; des emblèmes de l'identité religieuse de l’une et de l’autre communauté ont été dévastés, des lieux de culte ont été ravagés, des cimetières profanés, des champs et des vergers détruits.
Le bilan de la guerre de la Montagne de septembre à décembre 1983 fut bien lourd : parmi les chrétiens, on recense plus de 200 000 déplacés, 2 700 civils «disparus», 1 155 civils et 368 miliciens tués. En revanche, on estime à 207 le nombre de civils druzes tués et à 324 le nombre de miliciens tués pour la même période. L'offensive des FL s'est soldée par la destruction de 60 villages du Metn, de Aley et du Chouf en plus de l'exode massive d'une population chrétienne qui, depuis plus d'un siècle, vivait en convivialité pacifique avec les Druzes dans le Chouf.
Depuis la « fin de la guerre », la priorité de part et d’autre était à la réconciliation entre chrétiens et druzes. L'État de son côté cherchait à pacifier et reconstruire les régions ravagées par les massacres successifs, et à faciliter le retour des déplacés et des réfugiés chrétiens qui avaient fuient leurs villages.
L'Accord de Taëf de 1989 a consacré la fin de la division confessionnelle du territoire libanais et a prôné « l'unité du territoire, du peuple et des institutions», en confirmant la «souveraineté de l'État libanais sur l'ensemble de son territoire». Taëf a également accordé à tous les Libanais le «droit de résider dans n'importe quelle partie du territoire sous la protection de la loi» et le «droit des Libanais déplacés à retourner dans leur villages d’origine. »
La réconciliation qui a eu lieu ces derniers jours est une des pages les plus importantes de l’histoire du Liban. Elle remet en selle un Liban uni, indépendant et souverain.
Selon le député druze Walid Joumblatt, « C’est ensemble, chrétiens et druzes que nous consoliderons l’unité de la Montagne ». Ceci est un appel au deux à se solidariser en vue du bien commun et de l’allégeance nationale.
Depuis 1943, l’unité du Liban a été fondée sur un dosage savant entre les diverses communautés religieuses qui le caractérisent. A chaque fois que ce dosage est mis en question, un déséquilibre politique s’en suit.
La sagesse finit toujours par prendre le dessus. On dirait que le Liban, dans sa structure actuelle est prédestiné à survivre contre vent et marrées.
De1958 à Doha en passant par Taëf, seul le principe de ni vainqueur ni vaincu a prévalu.
Il a fallu plus de trente ans de tractations pour tourner la page de la guerre de la Montagne.
La réconciliation entre les fils de la Montagne avait à l’origine été initiée par le patriarche Mar Nasrallah Boutros Sfeir lors de la visite historique qu’il a effectué en 2001 à Moukhtara, suivi en 2007 par la visite du chef des Forces Libanaises le Dr Samir Geagea.
Aujourd’hui, plusieurs mois après la visite au Chouf du Mgr Raï fraichement élu Patriarche de la communauté maronite, Walid Joumblat s’est rendu à Bkerké pour sceller la réconciliation entre druzes et maronites. Il a été convenu que désormais les vexations entre communautés druzes et chrétiennes allaient cesser, et que les violations des propriétés privées allaient prendre fin de façon définitive.
La cicatrisation des plaies de la guerre dite de la Montagne est enfin en cours.
* La Montagne: un espace de partage et de ruptures; Dima de Clerck
E.C