France-Liban, une relation de longue date - 29/06/2013
La facilité pour un français non-arabophone (voire non-anglophone) de circuler au Liban, le taux élevé de libanais qui parlent français et même la présence de nombreux libanais confortablement établis en France poussent naturellement à s’interroger sur l’histoire du couple franco-libanais et son état aujourd’hui. Les interactions entre ces deux pays méditerranéens ont évolué dans leur complexité au cours des siècles et il est aujourd’hui intéressant de mettre en avant cette richesse historique qui doit au Liban un allié distant aux interventions cependant marquantes.
Ces liens doivent leur apparition et maintien aux maronites, qui furent au centre de l’interaction franco-libanaise.
Les maronites du Liban, à travers leur appartenance catholique, se caractérisaient en effet dans la région du Mont-Liban comme soumis à l’autorité pontificale. Ceux-ci se firent remarquer au XVIème siècle lorsqu’ils tissèrent leurs liens avec Rome, à l’époque de François Ier puis de l’Emir Fakhreddine. La France s’assura alors la protection des navires marchands en concordance avec les Capitulations ottomanes, traités successifs entre le Royaume de France et l’Empire Ottoman. Louis XIV renforça les liens un siècle plus tard en assurant la protection des maronites, mais la révolution française et la politique napoléonienne étranglèrent la relation politico-commerciale (au profit de l’empire britannique). Cependant, sous pression de l’Eglise, des missionnaires catholiques français furent envoyés au Liban, ce qui amorça l’apparition de la langue française dans la région. En 1860, lorsqu’éclata une guerre entre maronites et druzes, l’intervention militaire de Napoléon III fut un élément majeur de la résolution du conflit. Bien que les druzes en profitèrent plus que les maronites, ces derniers restèrent les acteurs principaux du commerce franco-libanais en pleine renaissance. Lors de la première moitié du XXème siècle, le Liban connut l’occupation ottomane puis la marque colonialiste française qui s’ancra au Liban de 1920 au 22 novembre 1943, date effective de l’indépendance. En juillet 1958, lors de l’insurrection, ce n’est pas la France mais les États-Unis qui intervinrent à la demande du président Chamoun bien que Charles de Gaulle, alors président français, resta jusqu’à sa résignation au côté du Liban (tout en cherchant à marquer son opposition à la suprématie américaine au Moyen-Orient) auquel il fournit des machines de guerre avant d’établir un embargo sur les armes à destination d’Israël en 1968. Ce fut la dernière flamme de l’amitié franco-libanaise avant la fin de la guerre civile. En effet, les contraintes économiques émergentes (avec les chocs pétroliers) placèrent le Liban dans l’angle mort de la France qui n’intervint que très peu d’une manière directe durant la guerre civile (quoiqu’elle participa et participe encore à la FINUL). La situation s’éclaircit cependant avec l’apparition du couple Chirac-Hariri.
En effet, devenu premier ministre en 1992, deux ans après la fin de la guerre civile, Hariri se tourna sans beaucoup hésiter vers le vieil allié du Liban avec lequel il tenait à renouer les relations. Chirac attribua une particulière importance au Liban qu’il renforça par des relations amicales directes avec Hariri. Il poursuivit sa relation avec le Liban durant sa présidence qui commença en 1995. Cette relation se manifesta tout d’abord par une aide économique : la France participa activement à la reconstruction du Liban avec l’implantation de nombreuses entreprises françaises dans le pays. Elle fut en plus de cela le tremplin du rapprochement du pays des cèdres vers l’Union Européenne entre lesquels des accords importants furent effectués. Malgré cela, la France ne dispose pas aujourd’hui de la capacité de jouer le rôle de "grande sœur" du Liban face aux influences culturelles et politiques de pays tels que l’Iran et même des États-Unis sur le Liban.
Au bilan, la France a été témoin de la déchirure identitaire libanaise : elle n’a pas pu se faire protectrice du pays en soi dont une partie importante de la population veut se placer sur l’axe "arabe", mais uniquement protectrice de l’identité "occidentale" du pays, jusqu’alors représentée par les maronites mais plus récemment par une partie de la communauté sunnite avec l’initiative de Rafiq Hariri. Dans la situation actuelle, on peut comprendre que la France est contrainte d’accorder au Liban son autonomie dans la résolution des questions politiques. Elle demeure cependant un allié économique important qui pourra, on l’espère, contribuer à une remise à niveau une fois sortie elle-même de la crise.
C.G
Ces liens doivent leur apparition et maintien aux maronites, qui furent au centre de l’interaction franco-libanaise.
Les maronites du Liban, à travers leur appartenance catholique, se caractérisaient en effet dans la région du Mont-Liban comme soumis à l’autorité pontificale. Ceux-ci se firent remarquer au XVIème siècle lorsqu’ils tissèrent leurs liens avec Rome, à l’époque de François Ier puis de l’Emir Fakhreddine. La France s’assura alors la protection des navires marchands en concordance avec les Capitulations ottomanes, traités successifs entre le Royaume de France et l’Empire Ottoman. Louis XIV renforça les liens un siècle plus tard en assurant la protection des maronites, mais la révolution française et la politique napoléonienne étranglèrent la relation politico-commerciale (au profit de l’empire britannique). Cependant, sous pression de l’Eglise, des missionnaires catholiques français furent envoyés au Liban, ce qui amorça l’apparition de la langue française dans la région. En 1860, lorsqu’éclata une guerre entre maronites et druzes, l’intervention militaire de Napoléon III fut un élément majeur de la résolution du conflit. Bien que les druzes en profitèrent plus que les maronites, ces derniers restèrent les acteurs principaux du commerce franco-libanais en pleine renaissance. Lors de la première moitié du XXème siècle, le Liban connut l’occupation ottomane puis la marque colonialiste française qui s’ancra au Liban de 1920 au 22 novembre 1943, date effective de l’indépendance. En juillet 1958, lors de l’insurrection, ce n’est pas la France mais les États-Unis qui intervinrent à la demande du président Chamoun bien que Charles de Gaulle, alors président français, resta jusqu’à sa résignation au côté du Liban (tout en cherchant à marquer son opposition à la suprématie américaine au Moyen-Orient) auquel il fournit des machines de guerre avant d’établir un embargo sur les armes à destination d’Israël en 1968. Ce fut la dernière flamme de l’amitié franco-libanaise avant la fin de la guerre civile. En effet, les contraintes économiques émergentes (avec les chocs pétroliers) placèrent le Liban dans l’angle mort de la France qui n’intervint que très peu d’une manière directe durant la guerre civile (quoiqu’elle participa et participe encore à la FINUL). La situation s’éclaircit cependant avec l’apparition du couple Chirac-Hariri.
En effet, devenu premier ministre en 1992, deux ans après la fin de la guerre civile, Hariri se tourna sans beaucoup hésiter vers le vieil allié du Liban avec lequel il tenait à renouer les relations. Chirac attribua une particulière importance au Liban qu’il renforça par des relations amicales directes avec Hariri. Il poursuivit sa relation avec le Liban durant sa présidence qui commença en 1995. Cette relation se manifesta tout d’abord par une aide économique : la France participa activement à la reconstruction du Liban avec l’implantation de nombreuses entreprises françaises dans le pays. Elle fut en plus de cela le tremplin du rapprochement du pays des cèdres vers l’Union Européenne entre lesquels des accords importants furent effectués. Malgré cela, la France ne dispose pas aujourd’hui de la capacité de jouer le rôle de "grande sœur" du Liban face aux influences culturelles et politiques de pays tels que l’Iran et même des États-Unis sur le Liban.
Au bilan, la France a été témoin de la déchirure identitaire libanaise : elle n’a pas pu se faire protectrice du pays en soi dont une partie importante de la population veut se placer sur l’axe "arabe", mais uniquement protectrice de l’identité "occidentale" du pays, jusqu’alors représentée par les maronites mais plus récemment par une partie de la communauté sunnite avec l’initiative de Rafiq Hariri. Dans la situation actuelle, on peut comprendre que la France est contrainte d’accorder au Liban son autonomie dans la résolution des questions politiques. Elle demeure cependant un allié économique important qui pourra, on l’espère, contribuer à une remise à niveau une fois sortie elle-même de la crise.
C.G