Construction ou destruction? Où a disparu notre cher Liban ? - 29/01/2012
Un équilibre souvent fragilisé entre chrétiens et musulmans, fait du Liban, depuis sa création en 1943, le champ de bataille idéal au Moyen -Orient.
Depuis les années 1950, la Syrie, l'Iran, Les Pays Arabes Frères dans toutes leurs diversités, l'Organisation de Libération Palestinienne, Israël, les États-Unis, l’Union Soviétique (présent la Russie), la France et le Royaume-Uni ont tous mené leurs nombreuses guerres, par procuration, à travers des représentants locaux toujours empressés de faire du zèle.
Après avoir connu deux guerres civiles destructrices depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et de nombreux bombardements, notamment par ses voisins, le pays semble être devenu expert en reconstruction.
Réduit en lambeaux après la guerre, le pays renaît à chaque fois de ses cendres deux fois plus fort.
Ceci est particulièrement évident à Beyrouth ; capitale et ligne de front de la dernière guerre civile.
Aujourd'hui, Beyrouth semble être devenu synonyme de construction, on dirait une sorte de revanche sur son destin récent.
A la sortie de la guerre en 1990, il a suffi d’un homme de bonne volonté et d’une vision pour remettre le pays sur rails. Le rêve et la détermination d’un seul Homme, l’ancien premier ministre défunt Rafic Hariri a permis de relancer l’économie du pays et remettre la ville sur pieds.
Le Beyrouth d’aujourd’hui ne ressemble en rien à la capitale des années 1980/90. En se baladant dans les rues de la capitale, on ne peut pas manquer de remarquer les innombrables chantiers de construction qui animent en plus des embouteillages tous les coins de la ville.
Toutefois, sous ce Beyrouth dit moderne qui renaît depuis une dizaine d’année, se trouve une des richesses archéologiques les plus fascinantes et uniques au monde. Des ruines, Préhistoriques, Romaines, Grecques, Phéniciennes, Ottomanes. Bref, des centaines de milliers d’années d’Histoire.
Une ville si souvent détruite et reconstruite à travers l'histoire, Beyrouth dispose de 6 couches (de constructions qui se superposent) souterraines. Chaque fois que des creusements commencent à jeter les fondations profondes pour un nouveau gratte-ciel (encore et toujours ?), les entreprises de construction trébuchent sur des fouilles archéologiques. Suit, une sorte de procédure folklorique administrative. Les archéologues s’empressent de créer un index, qui aussitôt établit, s’envole en fumée. Les ruines, paraît-il ne sont pas rentables ! Comme par enchantement, une fée passe par là durant la nuit, et voilà les ruines archéologiques disparues sous une couche de béton. Nul n'est tenu responsable de ce crime. On entend ça et là des voix qui s’élèvent en désespoir de cause. Elles sont vite étouffées par la dernière nouvelle … toujours plus urgente, tel diviser le Liban en 50 circonscriptions, non 88, … et pourquoi pas 3 millions, une par citoyen ?
D’aucuns disent que le Liban n’a plus d’âme. D’autres disent qu’il n’a plus d’âge. Cependant jadis, à l’inverse de ce que l’on vit actuellement, les gens prenaient plaisir à conduire sur la fameuse « autostrade Jounieh » bordée par les couleurs de la Méditerranée. En seulement trente ans, tout a basculé. La mer a été poussée hors de vue par des panneaux publicitaires et des immeubles – super panoramiques. Les arbres ont été rasés pour faire place à une plus grande «autostrade » et accueillir le nombre croissant de voitures de grand luxe. Ce qui était autrefois une belle balade le long de la côte méditerranéenne, est devenu une somme de laideur.
Le Liban, comme d'innombrables autres pays en développement rapide au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, a suivi l’exemple Occidental du « grand et moderne », sans laisser le temps à un enracinement institutionnel pour la protection du patrimoine et du développement.
Le pays est devenu l'otage d'une croyance aveugle dans le progrès. Le progrès défini selon le modèle de villes occidentales bâtardises. De nombreux acteurs libanais (intéressés) croient avoir trouvé l’opportunité idéale pour transformer Beyrouth en capitale du Moyen-Orient au détriment de l'héritage culturel magnifique qu’offre le Liban. Le pays perd malheureusement de plus en plus son cachet traditionnel … et son âme.
Certains responsables semblent avoir oublié que la richesse d’une ville trouve sa source dans son histoire, son architecture, son patrimoine, et non pas dans ces gratte-ciels modernes qui sans cesse prennent la place des anciens bâtis beyrouthins traditionnels, qui avec un peu de bonne volonté pourraient être rénovés et réhabilités pour retrouver leur état d’origine.
Finalement, on remarque que plusieurs libanais poursuivirent le travail entamé par la guerre : la destruction.
La destruction de plusieurs siècles d’année d’histoire.
C'est ainsi que la destruction et la construction peuvent parfois avoir le même effet : contribuer à la disparition du Liban (tant voulu par nos ennemis) et de son riche héritage culturel et architectural.
C’est peut-être un plan machiavélique qui a été mis en place. Achever en douceur ce qui a débuté dans la violence. Mais cette fois-ci sous le regard anesthésié d’une population à bout de souffle.
N’en déplaise à ces derniers, la lutte pour la préservation du patrimoine existe. Elle demeure confinée à une échelle très locale. Toutefois, de nombreuses municipalités notamment dans la région du Chouf résistent. Elles mettent en œuvre plusieurs projets pour mettre en avant et conserver l’héritage culturel et architectural libanais. J’invite la nouvelle génération de libanais à s’ y mettre elle aussi.
La cause est loin d’être perdue !
E.C